Galerie Atelier-Taylor

7 rue Taylor 75010,
Novembre 2021


ANDRÉA OLGA MANTOVANI

Série « Le Chant du Cygne », Bialowieza, Pologne
En 2016, j’ai pris connaissance de la situation de la forêt de Bialowieza en Pologne. Dans la partie orientale de la Pologne, d’une superficie de 141 900 ha, formée il y a 10 000 ans, elle est la dernière forêt naturelle de plaine d’Europe. Au cours de l’année 2017, elle devient le théâtre d’un des plus importants conflits environnementaux en Europe. Le Ministère de l’Environnement y mène une campagne de déforestation prétextant la propagation d’un insecte, le scolyte de l’épicéa et de ses ravages sur l’ensemble du territoire.

Près de 190 millions de m2 de bois font l’objet de coupes pour être commercialisés en palettes sur le marché européen.

Au sein de la population locale, les réactions sont vives et divergentes, des visions du monde se confrontent. Pour la première fois dans l’histoire de la Pologne, des procès environnementaux ont lieu, en deux ans, 187 procès sont intentés à l’encontre des activistes qui ont protesté contre les atteintes portées à cette forêt et ses irrémédiable conséquences environnementales. Venus des quatre coins d’Europe, sans nécessairement un passé d’activiste, parfois en simple touriste, nom- breux sont ceux qui restent vivre sur place pour organiser la résistance - mettant un coup d’arrêt dans leur vie personnelle. Lieu de vie et lieu de lutte, durant des mois, ils ont habité la forêt de Bialowieza. En avril 2018, grâce à leur travail, la Cour de Justice Européenne déclare que l’exploitation de la forê de Bialowieza est en violation avec le droit européen et reconnait que leur action a été indispensable pour protéger la forêt.

Bialowieza devient alors un symbole de résistance et le souvenir d’une expérience humaine exceptionnelle.

En lien avec mes études en environnement, je continue d’être fascinée par la relation entre les Hommes et les espaces naturels. Il paraît que l’on peut juger d’une époque à la manière dont elle traite ses forêts.
En immersion de septembre 2017 à février 2018, puis à nouveau en février 2019, j’ai habité dans la forêt de Bialowieza. L’habiter c’était habiter son histoire, son présent et son potentiel futur. Je suis partie de là où on vit, de là où on lutte pour rencontrer sa jeunesse et j’ai tenté de saisir ce à quoi l’organisation de ce monde faisait face.

Puis, une autre perception que celle du conflit m’a été révélée. J’ai découvert la magie d’une forêt naturelle et des convictions inébranlables. J’ai rencontré des époques aussi, et un pays ; qui m’est devenu intime. Une autre géogra- phie de Bialowieza s’est ainsi donnée à voi et à parcourir. J’ai tenté dans ce travail de rendre compte de cette rencontre, de porter par l’image, la voix des peuples de la forêt, celles des luttes et des imaginaires, révélant ce qu’elles ont en commun et d’actuel. Et depuis là, pouvoir saisir, autrement qu’en éternelles victimes, la guerre qui nous est faite.