Qu’est-ce que les morts font aux vivants ?

Soirée du 29 juin 2023, 19h-22h


Le Vent se lève !

Zone libre d’art et de cultures, éthique et solidaire
181, avenue Jean Jaurès
75019-Paris
M. Ourcq


« … parce que la mort est l’affaire des vivants. »
Jean-Claude Bourguignon

Le film rétrospective





avec par ordre d'apparition à l’image : Christine Delory-Momberger, Universitaire et auteure photographe, Fondatrice avec Valentin Bardawil de l’Observatoire des nouvelles écritures de la photographie documentaire Photo Doc - Youcef Boutaleb, Chanteur, compositeur, musicien & Laurène Depoutot, Violoniste - Frédérique Bourguignon, Études littéraires, responsable de société - Giulia Lelli, Doctorante en philosophie, Université de Dijon - Laurène Depoutot, Musicienne & Corinna Kranig; École Nationale Supérieure Louis Lumière - Pierre Longuenesse, Professeur en Études théâtrales Sorbonne Nouvelle, directeur artistique de la Compagnie du Samovar - Eloi Recoing, Enseignant, marionnettiste et traducteur - Estelle Lagarde, Photographe (agence révélateur) - Valentin Bardawil, Réalisateur, fondateur avec Christine Delory-Momberger de l’Observatoire Photo Doc - Jean-Pierre Chrétien-Goni, Maître de conférences au CNAM, Directeur artistique du Vent se lève ! Zone libre d’art et de culture, éthique et solidaire - Béatrice Delplanche, doctorante en lettres modernes, Université de Laval, Québec - Valéria Milewski, docteure en sciences du langage, Université Paris X, biographe hospitalière, fondatrice de l’association Passeurs d’histoires - Laurence Leblanc, Photographe.



À l’instar de Vinciane Despret, philosophe des sciences et psychologue qui propose de repenser notre rapport à ceux qui nous ont quittés, en remettant en question leur séparation radicale d’avec les vivants et de refonder ce lien par les représentations et les œuvres d’art, nous tenterons d’explorer « par le milieu » (Deleuze), en s’écartant de l’opposition entre le rationnel et l’irrationnel, le commerce qu’entretiennent les vivants avec les morts.
Que ce soit le sentiment d’une présence manifeste ou fortuite, l’idée d’un inaccompli qu’il faudrait achever, d’une dette dont il faudrait s’acquitter, la responsabilité d’une transmission dont on serait dépositaire ou d’un devoir de mémoire à honorer, il s’agit à chaque fois d’une expérience subjective suffisamment déterminante pour qu’elle ait une action agissante sur nos existences. Des ressentis troublants, des saisissements, des impressions fortuites apparaissent comme autant de signes de reliance aux disparus ; trouvant leur synchronie dans le réel,  ils deviennent des « éclats de vérité » (Souriau) et impactent notre cours de la vie. Sensible par sa part d’indétermination et d’incertitudes, le terrain de l’invisible devient fécond dans le domaine de la création lorsqu’il ouvre à une exploration par le milieu, en dehors de tout déterminisme, de notre relation aux morts. Lorsque les morts inquiètent le rationnel, ils font de nous des fabricateurs de récits, dit encore Vinciane Despret. De récits et d’art, l’élan de création comme vecteur de production et de connaissance, de grâce et de gravité.
Et si les morts prenaient soin de nous lorsque l’on prend soin d’eux ? Cette soirée sera celle que nous en ferons.

Venez avec vos morts : photographies, images ou objets, ils seront exposés et nous leur rendrons hommage. Si vous voulez projeter des images ou de courtes vidéos, envoyez-les à l’avance à Carolina Kondratiuk : carolinakondratiuk@gmail.com, afin que nous puissions préparer leur projection.

Venez également avec un petit quelque chose de substantiel pour alimenter le buffet du banquet.

Au plaisir de la fantastique et imaginative traversée de cette belle soirée !



La Programmation ouverte


  • Giulia Lelli. Doctorante en philosophie Université Lyon 3 - LIRS, ATER (attachée d’enseignement et de recherche) en philosophie Université de Bourgogne - IRPhil.

L’ÊTRE DES MORTS : ENTRE DISPARITION RADICALE ET PERMANENCE DES RESTES
L’expérience douloureuse du deuil indique que la mort d’un individu correspond à une disparition et à une interruption de certaines modalités de la relation : l’individu en tant que chair vivante disparaît, il ne peut plus s’exprimer au présent.
Pourtant, certains vivants décrivent des expériences dans lesquelles ils ont l’impression de rencontrer un mort. Sans aller jusqu’aux pratiques médiumniques, c’est ce qu’indiquent les témoignages d’historiens ou d’archivistes amenés à manipuler des restes des morts (textes écrits par eux, archives mentionnant leur nom). Ces expériences semblent indiquer que la disparition n’est pas totale avec la mort et que la possibilité d’instaurer une relation avec le mort persiste.
La question est alors : comment tenir ensemble ces deux constats ? Comment être attentif à ce qui continue d’être là, dans les restes des morts, sans nier la radicalité de la perte ?

  • Pierre Longuenesse. Professeur en Études théâtrales Sorbonne Nouvelle, directeur artistique de la Compagnie du Samovar.

DER WALD DER TOTEN DICHTER  / LA FORÊT DES POÈTES MORTS
Lecture spectacle d’après le roman de Danielle Auby Bleu Horizon (Flammarion, 1993), traduit en allemand par Marie-Luise Flesser, 1995)
avec la participation de Laurène Depoutot & Chiara Galliano, violonistes
et la voix allemande de Corinna Kranig
Bleu Horizon part d'une forêt du Languedoc, plantée en 1931 et dédiée à 560 écrivains morts à la guerre de 14-18. Le livre traverse la guerre, fait revivre des êtres dont il ne restait plus rien ou presque, quelques plaquettes, des photographies pâlies, des noms sur une liste, un souvenir aussi léger qu'une ombre, un reflet. Au carrefour du documentaire et de la fiction, il tire des fils dont on ne sait jamais s'ils sont tout à fait réels ou tout à fait inventés, passant d'une figure à l'autre, revenant sur ses pas, proposant des hypothèses.
Ce texte a été adapté pour la scène en 1995 puis 2008 par la compagnie du Samovar. La lecture présentée ici, d’une durée de 10 mn, est celle de la séquence finale du spectacle, entre français et allemand, entre parole et musique, entre re-vie et réminiscence. 

  • Corinna Kranig. École Nationale Supérieure Louis Lumière

FAIRE FACE
Approches photographiques d’un héritage familial du national-socialisme
Lorsque ma famille trie l’héritage de mon grand-père décédé, elle remarque la disparition de nombreuses affaires personnelles. Des photographies, des lettres et autres documents lui appartenant sont introuvables. Subsiste toutefois une collection de jouets réunissant plusieurs centaines d'objets de guerre en miniature. Aux côtés de chars, de navires, d'avions et autres figurines, cette collection expose explicitement des symboles du national-socialisme. L´existence de ce legs soulève des questions sur le passé familial, l'absence de transmission du souvenir et ma propre position en tant que petite-fille de ce grand-père face à cette histoire. Dans la confrontation de cet héritage, la photographie devient alors mon outil pour mieux comprendre.

  • Eloi Recoing. Enseignant, marionnettiste et traducteur

DÉTERRER LES MORTS AU BANQUET DES VIVANTS PAR LA MARIONNETTE
Expérience / performance
Je souhaite convoquer le spectre de mon père par le biais d’une de ces marionnettes fétiches. Être la bouche du mort et dialoguer avec tous les morts qu’il implique dans le sillage de son apparition. Cela prendra la forme d’une courte expérience/performance marionnettique, laquelle permettra, je l’espère, de partager avec les spectateurs cette conviction qu’il nous faut déterrer les morts au banquet des vivants pour faire valoir la part d’avenir enfouie avec eux.

  • Estelle Lagarde. Photographe (agence révélateur)

LES PASSEURS
Accompagné d’une projection d’un diaporama de photographies
« Les morts sont des invisibles, mais non des absents. » (Victor Hugo) Qu'ils entrent dans nos vies par la grande porte ou par la petite porte, les morts n'ont de cesse de nous accompagner notre vie durant. Mais seul le temps nous l'enseigne. Et beaucoup de morts finissent par apparaître, transparaître dans les œuvres des vivants. Deux morts sont entrés dans ma vie. La présence de leur absence a été intimement liée à ma démarche créatrice. Je l'ai compris avec le temps.

  • Valentin Bardawil. Réalisateur, fondateur avec Christine Delory-Momberger de l’Observatoire des nouvelles écritures de la photographie documentaire Photo Doc.

UNE PAROLE PUBLIQUE POUR HONORER LES DISPARUS
accompagné d’une projection de photograpies
« Se souvenir n’est pas un simple acte de la mémoire, on le sait. C’est un acte de création » (Vinciane Despret). À quel moment une parole intime devient-elle publique? Comment une expérience personnelle autour de la disparition d’un être cher peut-elle devenir un acte politique ? Penser/panser le vivant avec nos morts… C’est à partir d’un récit personnel autour de la mort de ma mère que je tenterai de faire émerger les bases d’un autre rapport au monde, si ce n’est d’un autre monde.

  • Christine Delory-Momberger. Anthropologue du vivant Sorbonne Paris Nord, photographe (agence révélateur), fondatrice avec Martine Janner-Raimondi du GIS LE SUJET DANS LA CITÊ Sorbonne Paris Nord-Campus Condorcet, fondatrice avec Valentin Bardawil de l’Observatoire des nouvelles écritures de la photographie documentaire

LUNE NOIRE
Accompagné d’une projection de vidéo
LUNE NOIRE, levée au firmament d’une remontée vers l’éternité. Au chevet de la nuit veille une lumière, halo solitaire, gardien du lit déserté de ma mère. Elle est là-bas maintenant, de l’autre côté du ciel, elle a été son chemin. Sa présence diffuse se fait secrète,  évanescence subtile, elle glisse à travers l’infini du temps. L’opalescence d’une aube fragile point délicatement, le jour sera bientôt là.
LUNE NOIRE raconte en images et en textes le voyage au cœur d’un intime chaviré par la mort d’une mère, de l’heure bleue qui précède la nuit à l’aube naissante où le monde reprend doucement les couleurs de la vie.  

  • Jean-Pierre Chrétien-Goni. Maître de conférences ; Directeur artistique du Vent se lève ! Zone libre d’art et de culture, éthique et solidaire.

MORTE EST LA MORT, MORTEL AMOR

performance, texte parlé, photographies, musique
fiction littéraire, lecture sur une musique de Pierre Henry Le Voyage fantastique de la Vie à la Mort, sur le Livre des morts tibétain, interprété par Otto Luening en 2014.
Sera fait lecture d’un texte appartenant à un recueil inédit Poèmes au Froid de Jean-Pierre Chrétien-Goni, avec un seul personnage : Ignacio C. qui a pour projet d’en finir avec la mort, de lui retourner sa terreur.
Des photographies seront diffusées en même temps que le personnage utilisera un jeu de Tarot particulier pour dérouler l’histoire de sa traque. La Carte Mortel Amor découverte à la fin marquera sa chute et l’infinie espérance d‘en avoir fini.
Extrait : “Tous ces morts qu’on a partout… Tous ces morts qu’on a partout ! Nous sommes si dociles… à attendre sans broncher son coup fatal… Moi, je m’appelle Ignacio C. et je traque la mort, sans relâche. Ce sera elle ou moi, mais je sais quelques uns de ses tours… Je me suis mis en embuscade. Je me suis mis à l’attendre. Mains humides. Difficile de déglutir. Passé la plus grande partie de mon existence à ça. Inquiet la nuit de manquer de vigilance. D’être moi-même pris à revers. Guerre d’usure. Guerre de presque cent ans…”