La transmission : une affaire sensible

Soirée du 2 décembre 2023, 19h-23h


Le Vent se lève !

Zone libre d’art et de cultures, éthique et solidaire
181, avenue Jean Jaurès
75019-Paris
M. Ourcq


L’inscription est gratuite mais doit être faite impérativement auprès de Carolina Kondratiuk
https://forms.gle/zAT9udt5hWBjuBMy7

“Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.”

René Char
Le marteau sans maître

Avec Jean-Claude Bourguignon

Le film retrospective




Soirée du 2 décembre 2023, 19h - 22h à Le Vent se lève ! avec par ordre d'apparition : Christine Delory-Momberger, Universitaire et auteure photographe, Fondatrice avec Valentin Bardawil de l’Observatoire des nouvelles écritures de la photographie documentaire Photo Doc - Youcef Boutaleb, Chanteur, compositeur, musicien - Renaud Hétier, Professeur en sciences de l’éducation et de la formation, Université catholique d’Angers - Louise Albertini (coach de dirigeants) & Julien Thomast (comédien et photographe). Commanditaires d’une œuvre auprès des « Nouveaux Commanditaires », Programme de la Fondation de France - Pierre Longuenesse, Professeur en Études théâtrales Sorbonne Nouvelle, directeur artistique de la Compagnie du Samovar - Lycia Nabeth, Chanteuse - Youcef Boutaleb, Musicien, compositeur, chanteur - Valentin Bardawil, Réalisateur, fondateur avec Christine Delory-Momberger de l’Observatoire Photo Doc - Celso De Freitas Andrade, Gérant et chef du restaurant brésilien « Gabriela » à Paris. - Luciana Mendes Velloso, Professeur en arts plastiques, département des Beaux Arts, université de Belo Horizonte Brésil, actuellement en postdoctorat au Gis Le Sujet dans la cité Sorbonne Paris Nord-Campus Condorcet & Praticienne en médecine ayurvédique.

Dans la suite du BANQUET DES VIVANTS précédent qui interrogeait le commerce qu’entretiennent les vivants avec leurs morts et de ses effets de connaissance dans nos existences, la question de la transmission s’est tout naturellement imposée et nous avons ressenti l’envie de la mettre en création dans cette nouvelle séquence, laissant ainsi augurer d’un continuum dans ces manifestations.

Comment transmettre et que transmettre ? De quelle nature est ce geste. S’agit-il d’un désir de laisser une trace, de croire que sa vie n’était pas vaine, de déposer un savoir intime ou plus spécifique concernant un engagement politique, citoyen ou humanitaire, une croyance spirituelle, un legs intellectuel. Veut-on œuvrer à une transmission intergénérationnelle, faire de sa vie une œuvre pour ses descendants, conserver les mémoires des disparus et leur rendre justice en honorant leurs actes ou en réparant ainsi l’outrage de leur invisibilité. Ressent-on l’urgence de témoigner d’un état de société, d’atrocités barbares, de crier ses espoirs et d’apporter ainsi sa modeste part à la construction d’un monde meilleur. Enfin, quelle considération octroyer à la transmission empêchée ou à la transmission invisible.

Quelle place est véritablement accordée à la transmission dans nos sociétés où l’accélération technique, le changement social et le rythme de vie engendrent une précarisation identitaire, un sentiment d’impuissance, une « détemporalisation » de l’histoire et de la vie (Rosa)1. L’avancée inexorable de la société numérique, deshumanisant la communication au profit du «sans contact» (Dugain & Labbé)2, enfermant les corps dans un quant-à-soi déréalisant, tend à désolidariser les relations et à fonctionnaliser les rapports humains. Les exils migratoires fragilisent les liens familiaux et ethniques et défont les histoires, ils renvoient à la solitude intérieure de la survie, ouvrant ainsi des brèches à l’errance existentielle.

L’ Anthropocène rend compte de l’impact dévastateur des activités humaines sur les écosystèmes terrestres et des dangers d’extinction que la Terre encoure mais elle met également en évidence les interdépendances des humains et des non humains sur un sol qui leur est commun (Pierron)3. N’y aurait-il pas là une voie nouvelle pour une transmission aux générations futures d’une synergie bouleversant le rapport existant que nous avons à nous-même et avec le monde du vivant et à s’aventurer dans l’« inexploré » d’une transmission faisant fi de la logique d’une verticalité ascendant-descendant et d’une chronicité temporelle, osant poser les jalons d’une transmission rétroactive.

L’art et la culture, en traversant les frontières de l’espace et du temps, peuvent œuvrer à l’invention de nouvelles formes de transmission, nous ouvrant à des formes de transcendance. Saisissons ensemble au cours de cette soirée ces moments de grâce et de beauté, émanations d’un vivant créateur qui sont autant de précipités d’existence et de sagesse.

Venez avec votre énergie de vivant, votre écoute, votre sensibilité, votre disponibilité, vos histoires et partageons-les pour construire ensemble le temps d’une soirée notre vision d’une transmission à notre image.

Venez également avec un petit quelque chose de substantiel pour alimenter le buffet du banquet. Au plaisir de la belle et sensible perspective ce BANQUET DES VIVANTS !

1 Harmut, R. (2012). Accélération. Une critique sociale du temps. Paris : La Découverte.
2 Dugain, M. & Labbé, C. (2022). L’homme sans contact. Paris : L’Observatoire
3 Pierron, J-P. (2021). Je est un nous. Enquête philosophique sur nos interdépendances avec le vivant. Arles : Actes Sud.



La programmation ouverte



MC Chris & Frédérique Bourguignon.
Diplômée de lettres et passionnée de la vie
OUVERTURE

  • Renaud Hétier. Professeur en sciences de l’éducation et de la formation, Université catholique d’Angers

LITTÉRATURE DE JEUNESSE ET RÉSONNANCE

Pour éviter l’abstraction et de la désensibilisation qui peut en découler, il importe de mobiliser le sensible dès la petite enfance, qui y est particulièrement réceptive. La transmission culturelle peut jouer un rôle de premier plan à cet égard, tant par le conte que les albums de littérature de jeunesse. La transmission de ces œuvres est susceptible de mobiliser le sensible dans une double dimension : par son contenu, qui peut rendre attentif à autrui et au monde, par ses modalités de transmission, notamment dans l’oralité et la mise en scène, de façon à toucher l’auditeur/spectateur.

  • Louise Albertini (coach de dirigeants) & Julien Thomast (comédien et photographe)
Commanditaires d’une œuvre auprès des « Nouveaux Commanditaires »,Programme de la Fondation de France

LES MORTS A L’ŒUVRE [pour reprendre le très beau titre de l’ouvrage de Vinciane Despret paru en janvier 2023 aux éditions Les empêcheurs de  tourner en rond]
avec projection et écoute d’un extrait du poème symphonique « Il fait novembre en mon âme »

Le 13 novembre 2015, notre fils et beau-fils Stéphane était assassiné au Bataclan. Pour que les personnes et les faits ne soient pas oubliés, nous souhaitions qu’une œuvre d’art dont nous serions commanditaires soit dédiée à toutes les victimes. C’est ainsi que le 13 novembre 2020, le poème symphonique « Il fait novembre en mon âme » du compositeur Bechara El Khoury était créée à la Philharmonie de Paris. Parallèlement, Julien Thomast était concepteur d’une grande exposition photos présentée dans le square du Bataclan. Nous avons senti rapidement que c’était Stéphane qui nous permettait de réaliser ces projets mêlant douleur intime et dimension sociétale.

Faut-il voir dans ce processus un don ? Une transmission ? Qui lègue ? Qui lègue quoi ?

  • Pierre Longuenesse. Professeur en Études théâtrales Sorbonne Nouvelle, directeur artistique de la Compagnie du Samovar.

CE QUI SE PASSAIT DANS LE JARDIN
mots en peinture, performance théâtrale avec musique, peinture et voix

fragments d’un spectacle bilingue d’après Les Vagues (The Waves) de Virginia Woolf
traduction française de Marguerite Yourcenar
mise en scène et interprétation : Pierre Longuenesse
toiles peintes : Jacqueline Lobenberg
avec la voix de Raphaëlle de Lapasse

C'est le premier chapitre d'un roman de V. Woolf, Les Vagues, un roman de voix. Monologues intérieurs, voix d’enfants dans le jardin : Neville jouait avec Bernard qui a entendu pleurer Suzanne qui a vu Liny embrasser Louis... Scène primitive, éclats des couleurs premières de l'enfance, jardin du paradis et de l’enfer. Ces voix résonnent dans l'esprit de l’acteur, l'inspirent, prennent corps : une voix d'une autre époque invente la respiration, les résonnances, la musique de mots qui n'existaient jusque là que sur le papier. L’acteur ne joue pas les personnages, mais plutôt se laisse traverser par le texte, et des états successifs du corps.
Devant le public, un acteur parle au milieu des toiles. L’espace est aussi sonore : il est enveloppé par des voix que l’on entend, par intervalles ; partition de voix superposées, lointaines ou proches, chuchotées ou fortes ; toutes ces voix sont sa voix à lui. Voix des personnages, voix intérieures et extérieures. L’acteur se joue des analogies et de l’écart entre ce qu’il dit et les toiles. Les toiles sont haies dans le jardin, et racontent tous les paysages. Le texte des Vagues est exploré dans les deux langues : le texte anglais original, et la traduction de Marguerite Yourcenar.

PAUSE

  • Chloé Geneste. Apprentie tireuse et artiste.

LES PHOTOS DE MON PÈRE
avec projection du film réalisée par l’auteure spécialement pour LE BANQUET DES VIVANTS

Le Mans, 3 mars 2007. Mon père expose ses photographies. J'ai dix ans et je filme cet album de famille particulier d'où les souvenirs ressurgissent.

  • Valentin Bardawil. Réalisateur, anthropologue du vivant, fondateur avec Christine Delory-Momberger de l’Observatoire des nouvelles écritures de la photographie documentaire Photo Doc.

LE FILICIDE, UN PROJET D’AVENIR…
avec projection de photographies

On a coutume de dire qu’il faut « tuer le père » mais si comme le prétend l’écrivain et psychanalyste Pierre Bayard[1], Œdipe n’était pas coupable du meurtre de son père? Et si à l’heure de l’Anthropocène et de l’IA, alors que les générations futures sont plus que jamais menacées, il fallait au contraire voir le père avec le désir de tuer le fils ? C’est à partir d’un récit intime que j’explorerai les conséquences politiques conduisant à l’avènement d’un autre monde voire du nouveau monde, de ce désir de meurtre du père sur le fils.

1 Pierre Bayard (2021). Et si Œdipe n’était pas coupable ? Paris : éditions de Minuit.

  • Youcef Boutaleb. Musicien, compositeur, chanteur

LE CORTÈGE
avec projection du film Trente taxis (2023)

Ce film porte un regard critique sur une tradition en pays kabyle des mariages arrangés entre les familles par le biais de la marieuse. C’est à chaque fois l’occasion de grands fastes et d’abondance. Le statut de la femme y est interrogé et la question de la pérennité des traditions y est mis en débat.


  • Celso De Freitas Andrade. Gérant et chef du restaurant brésilien « Gabriela » à Paris.

MÉMOIRE FAMILIALE CULINAIRE ET MÉMOIRE DU MONDE

avec dégustation de spécialités brésiliennes

C’est enfant, en regardant ma mère et ma grand-mère préparer nos plats traditionnels dans le petit village du Brésil à coté de Sao Paolo où nous habitions que la cuisine est entrée en moi sans que je le sache. Après des années d’exil et de voyages, lorsque s’est posé la question de savoir ce que j’allais faire de ma vie, cette mémoire enfouie a ressurgi comme une évidence. Aujourd’hui, avec le restaurant brésilien « Gabriela » à paris dans le 9e et  la réalisation d’un livre de recettes qui va paraître prochainement, je prolonge une histoire qui n’est plus seulement culinaire mais celle d’une mémoire familiale qui me met en contact avec le monde.

PAUSE

  • Luciana Mendes Velloso. Professeur en arts plastiques, département des Beaux Arts, université de Belo Horizonte Brésil, actuellement en postdoctorat au Gis Le Sujet dans la cité Sorbonne Paris Nord-Campus Condorcet & Praticienne en médecine ayuvédique.

« QUAND LE CHANT EST PRIÈRE, CHAQUE CONTACT EST SAINT » : ÉPISTÉMOLOGIES DE L’ORALITÉ
avec chant et danse.

Pour les peuples traditionnels du Brésil, les peuples indigènes et afro-brésiliens, le corps est un lieu de savoir, la mémoire se constitue dans le corps et à travers lui peut se matérialiser en langage. En ce sens, lorsqu’un membre d’une communauté meurt, une bibliothèque est perdue. Au centre de ces traditions, l’oralité est le moteur. C’est par la voix que beaucoup de connaissances sont transmises et redimensionnées dans le corps et par le corps dans chaque territoire.
Pour de nombreux groupes ethniques, les chants ou les prières, également appelés Saiti, constituent de longs récits oraux porteurs de la force, de la mémoire, de l'histoire, de la vision du monde et du savoir de la communauté. Ainsi, chanter et prier font partie d'un même geste capable d'élever et d'entretenir la transmission, le grain d'origine et le savoir ancestral qui se perpétue de génération en génération. En cercle, ils chantent et dansent quotidiennement, entretenant la flamme de l’existence, faisant du savoir un aliment à partager collectivement.

  • Jean-Pierre Chrétien-Goni. Anthropologue du vivant, directeur artistique du Vent se lève ! Zone libre d’art et de culture, éthique et solidaire.

TRANSMETTRE PAR VOIE DE DÉLUGE, SUR FOND DE « BIDULE EN UT » de Pierre Schaeffer
performance théâtrale

Transmettre n’est pas une affaire paisible. D’ailleurs est-ce une affaire ? Même une affaire possible ? Et cela suppose-t-il vraiment un « quelque chose » qui doit circuler d’un temps à un autre, d’un être à un autre ? Pas si sûr, pas si simple…dans  cette performance le vieil homme entreprend d'ouvrir sa valise, mettre tout sur la table, bric à brac de vie,  servez-vous, il n’y a en aura pas pour tout le monde, peut-être même pour personne.
Transmettre… pourquoi pas juste laisser… laisser aller tout cela par voie de déluge ?

Auxquels s’ajoutent les propositions d’interventions émanant des convives et amoureux du BANQUET DES VIVANTS