Dans l’espace de parole ouvert ensemble, libre et bienveillant, j’ai vécu une expérience fondatrice. J’ai pu écrire le fil tendu de ma vie, d’abord en ordre dispersé, - les morceaux s’obstinant à ne pas s’assembler - puis, comme par magie, voir le tout s’unifier, s’harmoniser.
Ecrivant et réécrivant mon histoire en lien avec la photographie, - tandis que les résonances de nos récits formaient un vécu partagé dans l’intime - je l’ai totalement redécouverte. Comme si je partais en voyage : le passé tel un territoire où l’on trouve les éléments d’une structure de soi, qui, sans la merveille de l’écriture et du langage photographique, se déroberait à la conscience.
Les périodes de déséquilibre et de chaos de ma vie ont trouvé leur juste place. Dans une chronologie, et non plus à part. Pleinement libératoires et fertiles, malgré leur apparent tumulte. J’étais arrivé avec le mystère de mon enfance, de l’amnésie qui l’entoure, malgré une profusion d’images. Et la difficulté à concrétiser un travail artistique sur ce sujet.
Devant le tourbillon de l’absence des souvenirs, j’étais en résistance, incapable de mettre en forme les images entre elles.
Grâce à la petite musique de nos échanges, aux mots justes et précis de Christine et Valentin, permettant une éclosion, j’ai pu expliciter clairement le lien entre mon histoire personnelle et artistique. Et, dans la foulée, j’ai enfin posé, relié mes images entre elles, spontanément, comme le subconscient qui déborde. Un moment clé. J’ai la sensation nette d’avoir enfin installé ma structure interne, mieux compris mon fonctionnement artistique, notamment l’origine de mon impétuosité - peut-être le fait d’être né un jour de tempête de neige ! Je continue mon chemin avec la joie de pouvoir canaliser mon énergie débordante, me réinventer, et investir plus facilement de nouveaux territoires artistiques. Ne plus être le jouet de mon histoire mais jouer avec elle.

Benjamin Barda