GALERIE AGNÈS B.

DANS LE CADRE DU FONDS DE DOTATION

Sébastien Ruiz

Secrétaire général du fonds de dotation agnès b.
12 rue Dieu, 75010 Paris
+ 33 (0)1 40 03 45 14
sebastien.ruiz@agnesb.fr



︎


EMANUEL BOVET
East Stream



Le Danube comme un voyage intime à travers une Europe qui se réinvente.
En traversant dix pays (Allemagne, Autriche, Slovénie, Hongrie, Slovaquie, Croatie, Serbie, Bosnie, Bulgarie, Roumanie) je dresse le portrait d’un espace qui aura connu les plus grands bouleversements politiques du 20e siècle.

EMANUEL BOVET

Ici, le premier questionnement sera celui de l’Europe. D’une Europe aux contours difficiles à cerner, dans le cœur en transformation d’un espace qui reste à définir. Espace qui porte les traces de ses mutations – sans qu’elles soient le centre du propos, elles sont juste perçues et notées – dès lors qu’elle ne mérite plus son qualificatif, hérité de la guerre froide, d’« Europe de l’Est ». De même que le fleuve est frontière et mode de relation, le voyage intime du photographe sera à la fois une manière de dérive, une quête de soi- même, dans l’espace qu’il se donne à traverser, dans une mémoire qui ne peut que se transformer au fur et à mesure qu’elle s’écoule, dans sa pratique de la photographie qu’il cherche toujours à définir.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit, au final. De questionner, davantage qu’un territoire lui même – dont il faut faire l’expérience – une pratique de la photographie. Une pratique qui n’a rien à voir avec les sempiternels – et souvent bien égoïstes - carnets de voyage affirmant la subjectivité comme modalité du narcissisme mais de se confronter au monde sans a priori et, au fil des images qui se donnent, s’esquissent, se substituent les unes aux autres, leur permettre de s’articuler miraculeusement pour livrer un récit ouvert. Rien à voir avec un guide, avec une proposition à reproduire, un parcours idéal ou quelque certitude que ce soit. Seules les images sont au rendez-vous, qui cherchent à éviter les pièges des genres, des facilités, des stéréotypes…

 …Alors que rien ne se donne comme descriptif, alors que tout comporte une foule d’éléments documentaires, alors que les infimes tensions entre les plans permettent de reconstruire le monde, ce voyage, qui par instants pourrait être immobile, se charge d’une étrange temporalité. Traversé d’éléments parfaitement contemporains, de signes qui se multiplient, de néons qui nous sont familiers même s’ils ne sont pas toujours décryptables, cet univers reste enraciné dans un avant qui n’est plus vraiment présent, si ce n’est sous forme de survivances…

…Voyager, c’est peut-être être capable d’attendre, disponible, que se produise le mystère de cette sublime installation quand, au-dessus du miroir gris bleu de l’eau, délimité par le rythme des sphères rosies par le petit matin, un sfumato de brume vient estomper la lumière au réveil. Emmanuel Bovet dit que c’est le Danube. Il faut le croire.

CHRISTIAN CAUJOLLE (extraits)