Galerie Pixi

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Elizabeth Lennard.
A list : un hommage à Gertrude Stein et le paysage français



En utilisant des rubans de planches contacts, agrandis et rehaussés de peinture, Elizabeth Lennard fragmente notre vision du réel. Par la succession de ses photos peintes retraçant son parcours visuel, la photographe détourne et réinvente un espace-temps. Elle travaille à l’intérieur des séquences, fait de chaque “vignette” photographique une image plastique où les couleurs juxtaposées viennent rythmer l’instant vécu dans un jeu entre réalité et trace émotive.
Elizabeth Lennard a trouvé à travers les textes de Gertrude Stein des notions qu’elle explore dans son propre travail. Les correspondances qui s’établissent entre ses photographies et “A List”, pièce cubiste de Gertrude Stein, font apparaitre pleinement le concept de “liste” avec lequel l’écrivain a créé une sorte de démultiplication virtuelle du paysage.
Gertrude Stein, écrivain américain, a vécu en France de 1902 à 1946. Dans les années vingt, elle passait ses étés à Bilignin, hameau dans le Bugey (Rhône-Alpes). C’est là que Gertude Stein commença à réfléchir sur le paysage en tant que “série” ou “liste”.



Alexis Poliakoff.
Parents



“Lorsque j’ai eu 12 ans, mon père a eu la bonne idée de m’offrir pour mon anniversaire ma box Kodak 6/9 pour m’initier à la photographie.
Plus tard pour mes 16 ans, il m’offrit une camera 8 mm en m’encourageant à faire des films pendant les vacances avec mes amis et la famille autour d’histoires que j’écrivais. Seulement, si l’histoire et le montage donnaient du rythme, les acteurs étaient mauvais comme tout.
C’est alors que j’ai eu l’idée de transformer ces histoires en roman-photo.
Aujourd’hui avec le recul, plus de 50 ans après, en découvrant ces documents oubliés, je peux dire que j’en suis très fier.”

Alexis Poliakoff

Les photographies ici présentées d’Alexis Poliakoff, ont été réalisées à partir de photographies initialement intégrées à un roman-photo parodique, dont les épisodes ont été diffusés de manière discrète en 1975-1976.
Ce ne sont pas ce que l’on nomme ordinairement des “instantanés”, ni des photographies de reportage : ce qu’elles donnent à voir paraît immédiatement organisé ou “mis en scène” (il a travaillé comme assistant aux côtés de Claude Chabrol ou de Jean-Luc Godard), obéissant à certaines directives du photographe.
Ce qui devrait suffire à nous remettre à l’esprit qu’aucune photographie ne constitue une prise directe sur la “réalité” et que viser à travers un objectif, c’est déjà imposer un ordre ou un début de sens à ce qui sera fixé sur la pellicule.
On ne photographie pas quoi que ce soit sans une intention, sans un projet même vague, et c’est pourquoi la pratique photographique, pour peu qu’elle s’éloigne de son usage “moyen” tel que l’a analysé Pierre Bourdieu, c’est-à-dire qu’elle cherche à retenir davantage que des souvenirs convenus de réunions familiales ou de voyages ne peut restituer de la “réalité” que des aspects dont la sélection implique une certaine valeur. Ce principe est doublement actif dès lors que le photographe invite ses personnages, devenant presque des “acteurs”, à adopter telle ou telle pose, à effectuer certains mouvements, etc.
La banalité du quotidien laisse alors place à une interaction entre la demande du photographe et la réponse de la personne qu’il entend saisir, qui peut de son côté ne pas se priver d’initiative et ne répondre ainsi que partiellement à la demande, même si ce que sa posture a finalement d’inattendu apporte éventuellement une satisfaction elle-même imprévue. Au terme de cette dialectique, ou de cette surenchère, ce qui “a été” n’est pas une “réalité” immédiatement donnée, c’est le résultat d’un échange entre des désirs plus ou moins explicites, d’un compromis définissant une scène doublement fictive : produit d’un dialogue, verbal et sensible, elle inaugure un récit virtuel, puisque, par l’insistance même de son statisme elle demande au regardeur d’imaginer ce qui l’a précédée et ce qui pourra lui succéder.
L’objet photographique affirme son indépendance relativement à ce qui est photographié, et participe à la constitution d’un univers singulier. Cet univers est bien entendu en priorité celui d’Alexis Poliakoff, mais il est aussi une proposition de partage faite aux spectateurs.