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MO YI

MY SCENERY IN RED




« Avant la tempête, même le plus insouciant se rend compte du changement météorologique. » Deux années avant les événements de Tian’anmen, l’écriture photographique de MO Yi est à main levée ; il capture avec rage, en rafale. L’ancien footballeur professionnel de l’équipe du Tibet documente la ville de Tianjin suivant une méthode digne de l’entrainement d’un sportif de haut niveau. Ayant quitté les hauts-plateaux tibétains pour une ville au développement urbain frénétique, la réalité sociale qu’il découvre alors est bien éloignée des images de propagande axées depuis le début des années 80 sur le développement économique et des villes radieuses. Ce qu’il voit, c’est une Chine qui s’est emballée et change trop vite pour que les individus puissent s’y retrouver ; c’est un paysage urbain qui est remodelé si rapidement qu’il est presque impossible d’en garder une mémoire exacte et familière. MO Yi est sensible à ce que cette Chine lancée à pleine vitesse génère de violence et de traumatismes pour ses contemporains. Il photographie alors les facettes de leur vie ordinaire et y découvre leur formidable résilience.

Face à ses détracteurs qui le critiquent parce qu’il montre des mutations sociales perturbantes et inquiétantes de la société chinoise plutôt que d’encenser les réussites du développement économique du socialisme à la chinoise, il rétorque en inventant un protocole neutre dans lequel il éloigne l’œil du viseur. Pour voir le monde tel qu’il est, il invente une photographie sans photographe. Cette approche deviendra la marque de son style. L’appareil est au-dessus de lui, accroché à une perche, ou –après son incarcération– à son pied : à hauteur d’un chien. L’acte photographique se transforme alors en acte de résistance. Lorsqu’il ajoute la couleur rouge – éblouissante et sanglante – pour sublimer les rues dansantes à l’aube de la Chine olympique, sa prise de vue devient encore davantage une performance qu’il restitue lors d’installations in-situ. Invoquant le fil rouge de la révolution culturelle – l’histoire de la Chine rouge qui ne peut être effacée par le spectacle – avec ses récentes Illusory Memories, le travail documentaire de l’artiste se transmute en œuvre politiquement cinglante.

MO YI. Né à Lhasa (Tibet ) en 1958. Photographe chinois à la car- rière foisonnante et emblématique depuis les années 1980, MO Yi incarne une histoire méconnue de la Chine, celle d’un engage- ment artistique en faveur de convictions. MO Yi a obtenu en 2015 le prix Minsheng Contemporary Art Museum à Beijing, puis celui de la Fondation Manuel Rivera-Ortiz à Arles où il a exposé à l’été 2015 sous l’impulsion du commissaire

Didier de Faÿs