Dans l’esprit de mêler l’art à l’action, qui était l’activité principale de Thierry Agullo, la série Rue des Étrangers est le seul témoin de la performance que l’agitateur culturel de la contre-culture des années 80 a menée dans la Base sous-marine et dans les rues du port, sous le regard de la photographe Anne Garde, en novembre 1977, dans un Bordeaux de film noir...
Anne Garde rencontre Thierry Agullo, personnage multiple, artiste engagé, dans la mouvance de Pierre Molinier à Bordeaux et forme très vite avec lui un duo créatif. Thierry Agullo était tout aussi « mauvais garçon » à se battre en sortant des bars sur les quais de Bordeaux, à l’époque des dockers et de l’activité du port de la Lune, qu’intellectuel raffiné et extrêmement cultivé écrivant dans Art Press … et éditeur puisqu’il a publié le premier Pierre Molinier, dont il a été le dernier modèle.
Cet « Orphée moderne et sombre » qui entraîne le visiteur dans son vertige, tel un Stalker berlinois des seventies... entre expressionnisme allemand à la Fritz Lang et casse-cou de la nouvelle vague, Jack l’Inventeur est un personnage prémonitoire puisque son double vivant, Thierry Agullo, disparaîtra dans un accident de la route quelques mois après cette performance.

Anne Garde, Paris, 2022

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A la fin des années 90 en Inde en quête de Shiva Blues, sur les routes brûlantes et sablonneuses du Rajasthan, nous croisions ces hommes et ces femmes, beaux comme des dieux.  De retour à l’hôtel les films inversibles étaient plongés dans un bain chimique différent… Je perdais la transparence de l’image, mais j’obtenais un négatif dont jaillissait des couleurs inversées et insensées, et la chair des humains était bleue.
Pourquoi la mythologie hindoue représente-elle ses dieux avec la peau bleue?
Cela m’intriguait et j’en compris alors le sens en découvrant la légende de Shiva qui, ayant bu un poison pour sauver le Monde fut lui-même sauvé in extremis par son épouse Parvati qui lui serra le cou arrêtant la propagation du poison Halahala. Cependant, son visage devint bleu… Ainsi, la chimie photographique rencontrait la légende.

Anne Garde, 2023
Ce jeu du Tarot Indienréalisé en polaroids « on the road » en Inde, offre une infinité de voyages possibles où chaque visage est un atout, chaque carte un repère qui précise l’itinéraire fluctuant de la série. Les personnages acteurs de ce tarot ont signé leur portrait en anglais, en tamoul, en ourdou ou en bengali, ce qui en fait le caractère précieux et unique de l’ensemble.
Grace à la générosité de Polaroid à l’époque, ce jeu de cartes photographiques a pu être intéractif puisque les acteurs recevaient un double de l’image que j’ai gardée précieusement.

Laure Vernière