Le Manifeste des nouvelles écritures
de la photographie documentaire
Dans la lignée d’une certaine photographie documentaire « humaniste »
travaillant sur le temps long, les « nouvelles écritures de la photographie
documentaire » s’inscrivent dans un large mouvement – qui a commencé dans
les arts littéraires, trouvé des appuis dans les sciences humaines et sociales,
et gagné les arts de l’image – les amenant à partager un « paradigme de
l’enquête ». Sous ce terme, il faut entendre une démarche considérée dans son cheminement
et dans le champ d’investigation et d’expérience qu’elle ouvre à la
confrontation avec le monde. Ce n’est plus le réel du
monde qui est « documenté », l’image photographique ne cherche plus à
établir des « faits », à rendre visibles et lisibles des
« données », à interpréter des « traces » et des
« indices ». Ce que l’image « documente », c’est le geste
d’enquête par lequel le photographe, aux prises avec le réel, fait advenir sa
manière à lui de « faire monde ».
Dès lors la prise photographique n’est plus un geste de prélèvement ou même de prédation, elle est une manière d’entrer en relation avec un monde dont le photographe est lui-même une composante, sur lequel il agit par son acte photographique et qui l’agit et le transforme en retour. C’est cette relation transformatrice que rapporte le récit d’enquête (que nous nommons enquête intérieure), en s’essayant à restituer et à produire le cheminement de cette œuvre au travail et ses effets de connaissance et de transformation de soi et du monde. Très souvent, ce retour réflexif donne l’occasion au photographe de se questionner sur sa propre place, sur son acte photographique, voire sur le rôle de la photographie elle-même. Les images que les photographes produisent et les récits d’enquête qu’ils peuvent faire leur permettent de mettre à jour le processus sous-jacent à leur création, comment elle touche et nourrit leur intime. Ouverts au public, les récits d’enquête deviennent à la fois un lieu de partage agissant et de transmission.
Dès lors la prise photographique n’est plus un geste de prélèvement ou même de prédation, elle est une manière d’entrer en relation avec un monde dont le photographe est lui-même une composante, sur lequel il agit par son acte photographique et qui l’agit et le transforme en retour. C’est cette relation transformatrice que rapporte le récit d’enquête (que nous nommons enquête intérieure), en s’essayant à restituer et à produire le cheminement de cette œuvre au travail et ses effets de connaissance et de transformation de soi et du monde. Très souvent, ce retour réflexif donne l’occasion au photographe de se questionner sur sa propre place, sur son acte photographique, voire sur le rôle de la photographie elle-même. Les images que les photographes produisent et les récits d’enquête qu’ils peuvent faire leur permettent de mettre à jour le processus sous-jacent à leur création, comment elle touche et nourrit leur intime. Ouverts au public, les récits d’enquête deviennent à la fois un lieu de partage agissant et de transmission.
Le photographe « documentaire »,
au sens où nous l’entendons, prend part au fragment du monde qu’il
interpelle et dont il fait son « sujet » (et non son « objet »).
L’altérité devient ainsi l’élément essentiel d’une intention d’auteur qui
ne travaille pas « sur » mais s’engage « avec ». La
conscience de cette prise de part et de reliance au monde est rendue
plus nécessaire encore à l’ère de l’anthropocène, des désastres dont il est
porteur mais aussi des interdépendances entre les formes du vivant qu’il appelle
à reconnaître. C’est dans cet aller-vers et cette rencontre avec le monde
et avec l’Autre que naît la dimension intime du travail du photographe dans
laquelle il se découvre.
On ne saurait parler de ces pratiques nouvelles de la photographie documentaire sans évoquer la préoccupation éthique qui les anime, telle qu’elle se traduit en particulier dans la « relation d’enquête » entre photographiants et photographiés. Quittant la position de surplomb ou de neutralité objectivante qui pouvait marquer une certaine photographie de reportage ou une photographie à visée esthétisante, les photographes documentaires entrent dans une relation de collaboration et de coproduction avec les personnes photographiées. Celles-ci ne sont plus réduites au rang d’« objets photographiques », au seul contact du consentement à l’image et du déclic, elles prennent leur part dans l’acte photographique et celui-ci leur rend leur part. Le medium photographique joue ici son rôle de mise en relation, de créateur et de vecteur d’un espace commun pour une expérience que mènent ensemble un sujet-acteur photographe et un sujet-acteur photographié. C’est dire combien cette approche exige d’un «temps long partagé» entre photographiants et photographiés, qui est un temps de reconnaissance mutuelle et d’en-commun de l’œuvre entreprise.
On ne saurait parler de ces pratiques nouvelles de la photographie documentaire sans évoquer la préoccupation éthique qui les anime, telle qu’elle se traduit en particulier dans la « relation d’enquête » entre photographiants et photographiés. Quittant la position de surplomb ou de neutralité objectivante qui pouvait marquer une certaine photographie de reportage ou une photographie à visée esthétisante, les photographes documentaires entrent dans une relation de collaboration et de coproduction avec les personnes photographiées. Celles-ci ne sont plus réduites au rang d’« objets photographiques », au seul contact du consentement à l’image et du déclic, elles prennent leur part dans l’acte photographique et celui-ci leur rend leur part. Le medium photographique joue ici son rôle de mise en relation, de créateur et de vecteur d’un espace commun pour une expérience que mènent ensemble un sujet-acteur photographe et un sujet-acteur photographié. C’est dire combien cette approche exige d’un «temps long partagé» entre photographiants et photographiés, qui est un temps de reconnaissance mutuelle et d’en-commun de l’œuvre entreprise.
Christine Delory-Momberger, Valentin Bardawil & Charlotte Flossaut