Longtemps, j’ai cru qu’à travers ma photographie, je mettais à nu mon intimité, cette part secrète, privée, que l’on garde pour soi. C’est ce qui rendait le processus douloureux : je disséquais, j’exposais ce que je pensais ne pouvoir appartenir qu’à moi.

Je découvre aujourd’hui une nuance essentielle : l’intimité reste close, mais l’intime peut être partagé. Ce n’est pas seulement ce qui m’est arrivé, mais ce que ces épreuves incarnent. L’intime relie, là où l’intimité enferme.

La photographie a été pour moi un cri, une façon de hurler ce qui n’avait jamais été entendu. Mais ce cri n’était pas destiné à m’isoler davantage : il cherchait à rencontrer d’autres silences, d’autres blessures. Au fil de ce travail, j’ai compris que mes images n’étaient pas seulement l’écho de ma douleur, mais la trace d’expériences humaines universelles, qui résonnent bien au-delà de mon histoire.
Ce chemin me conduit à reconnaître que ce que je croyais être un fardeau peut devenir un langage. Mes fragilités, mises en lumière par la photographie, cessent d’être une exposition brute de moi-même pour devenir une matière de partage. L’intime, lorsqu’il est livré sans fard, peut ouvrir un espace commun où chacun trouve une part de lui-même. Aujourd’hui, je tente d’allier raison et sensibilité, sans subir les excès de chacune, pour que mes images ne soient pas seulement le reflet d’une vie singulière, mais une invitation à reconnaître ce que nous avons en commun : la douleur, le manque, la lutte, mais aussi la possibilité de résistance et de création.

Ainsi, l’intime n’est pas une fin en soi : il devient le lieu où l’individuel rejoint le collectif, où les histoires personnelles se transforment en histoire partagée. J’aspire à ce que mes photographies s’inscrivent dans cet espace fragile mais nécessaire : celui où nos blessures cessent d’être solitaires pour devenir des ponts vers l’autre.

Shinoozh
@ Shinoozh